732 : Charles Martel arrête les Arabes à Poitiers.
Tu as sans doute déjà entendu cette célèbre phrase, en cours d’histoire ou bien tout simplement dans les médias.
Alors bien sûr, aujourd’hui, on sait que cette phrase, apprise pendant longtemps par les jeunes écoliers, ne correspond pas à la réalité de la bataille et à ses conséquences.
L’affrontement ne s’est sans doute pas déroulé à Poitiers, il ne concernait pas que les Arabes, mais aussi les Berbères, et la victoire de Charles Martel n’a pas « arrêté » les forces musulmanes (à part en Aquitaine).
Or, aujourd’hui, si ces rectifications sont assez connues et intégrées, il y a plus grave.
Tu t’en es peut-être déjà aperçu, mais sur Poitiers on entend tout et son contraire.
Les uns nous parlent d’un authentique « choc des civilisations ».
D’une immense invasion musulmane, réunissant des centaines de milliers de combattants déterminés à massacrer tous les chrétiens, à ravager chaque territoire et à piller toute richesse.
Une vague qui déferla en 732 et qui aurait sans aucun doute conquis toute l’Europe si les Francs et en particulier un homme, Charles Martel, ne les avaient pas arrêtés entre Poitiers et Tours.
Et puis, au contraire, d’autres personnes mettent en avant une version tout à fait opposée.
Si l’on suit leurs propos, Poitiers serait une bataille insignifiante, voire même une invention.
Un mythe créé de toutes pièces.
Et le pire dans tout ça, c’est que même certains historiens défendent ce point de vue !
En résumé, ces deux approches transmettent une vision mythifiée de la bataille.
Sous couvert d’apprendre à leur public un pan de l’histoire de France, ces personnes ne leur offrent que leur propre vision de l’évènement.
Un récit qui ne repose sur aucun travail sérieux.
Parce qu’au-delà de leurs paroles, la bataille de Poitiers est un outil au service d’un discours idéologique, politique, mais aussi historique (victime d’une volonté de développer une nouvelle approche de l’histoire de France, plus mondialisée).
C’est d’autant plus vrai qu’aujourd’hui cet évènement serait brûlant d’actualité.
Notre société étant traversée par de multiples questionnements (immigration, place de l’islam, racines profondes de l’identité française possiblement menacées etc…), Poitiers, en tant qu’affrontement entre Islam et Chrétienté (ce qu’il n’est pas, ou à minima), poserait problème.
Les uns s’en servent pour défendre une histoire mythifiée, glorieuse, de la France, tout en pointant du doigt un islam par essence guerrier et naturellement opposé à l’Occident chrétien.
Les autres, préférant minimiser à l’excès cette bataille, trop clivante, pour insister plutôt sur les évènements rassembleurs afin de développer l’idée d’une France multiculturelle et mondialisée.
Ici, tu l’auras compris deux visions « extrêmes » s’affrontent.
En regardant nos chers présentateurs d’histoire à la télévision (Lorànt Deutsch, Franck Ferrand…), tu auras le droit à la version « roman national ».
Une vision très ancienne et complètement dépassée de cette bataille, considérée comme un affrontement monumental, véritable choc des civilisations.
Ces personnes s’appuient exclusivement sur un auteur, vivant dans l’actuelle Italie et quasi contemporain des faits : Paul Diacre (v. 720 – v. 799).
Or, ils utilisent son témoignage sans jamais le citer, car en réalité ce texte comporte des problèmes majeurs : exagération des faits + confusion entre divers évènements.
De l’autre côté, on nous sert une vision tout à fait opposée : Poitiers n’aurait été qu’une escarmouche sans conséquence, voire purement et simplement un mythe… une invention !
Ici, on a deux camps.
Ceux qui défendent à tout prix l’islam et veulent valoriser, à l’excès, les actions des musulmans.
C’est le cas de Charaffedine Mouslim qui sans aller jusqu’à dire que Poitiers est une invention, affirme que les musulmans « sont venus en Espagne avec ces idées : le respect de la parole donnée, le respect de la justice, aider les pauvres, rendre la justice à tous ceux qui ont souffert pendant la période wisigothique » (YouTube, « La bataille de Poitiers : mythe ou réalité ? », Mosquée ACMR, 28 juin 2015, 22:49 à 23:13).
Pire encore, certains, comme Nas Boutammina, iront jusqu’à affirmer que cet affrontement aurait été construit de toute pièce !
Un mythe censé faire oublier la cuisante défaite des Français, en ce même lieu, 6 siècles plus tard, en 1356, et face à un tout autre adversaire : les Anglais.
Mais le plus dangereux dans tout cela, c’est que même des historiens en viennent à minimiser excessivement cet épisode de l’histoire.
Comme dans l’Histoire mondiale de la France, dirigée par Patrick Boucheron et qui a connu un grand succès (+ de 100 000 exemplaires vendus).
Aux pages 717-719, François-Xavier Fauvelle parle d’une simple « illusion événementielle », d’une bataille « comme il y en eut des dizaines d’autres, gagnées ou perdues, avant et après ».
Le problème de ce type de démarche c’est qu’en voulant combattre la vision du « roman national », en œuvrant pour une nouvelle approche de l’histoire de France, plus mondialisée, on en vient simplement à créer un « contre roman national ».
Autrement dit, une vision tout aussi mythifiée que celle que l’on est censé combattre (en tout cas pour la bataille de Poitiers).
Bien sûr, il y a la vision du juste milieu, celle qui se fout de ces débats et recherche à se rapprocher le plus possible de la vérité.
Mais ça ne fait pas vendre.
Pourtant, c’est celle que je te propose de découvrir dans ce nouveau contenu des « Suppléments ».
L’objectif de ce deuxième volet, c’est de revenir aux sources qui nous parlent de cette bataille, de les étudier avec sérieux pour comprendre leur discours et voir pourquoi certains propos doivent être largement nuancés.
Aussi, à travers cet épisode, tu auras aussi accès à une approche historiographique du sujet : comprendre comment le souvenir de la bataille et de la figure de Charles Martel s’est développé et a été instrumentalisé du moyen âge jusqu’à nos jours.
Et tu verras que cet évènement n’est devenu célèbre que très tardivement !
Pour réaliser un tel travail, tu vas profiter des connaissances non pas d’un… mais de deux experts du sujet !
Le premier : Mehdi Ghouirgate, maître de conférences à l’université Bordeaux Montaigne et spécialiste du Maghreb et de la péninsule Ibérique au moyen âge.
Le second : Christophe Naudin, co-auteur des livres Les Historiens de Garde (2013) et surtout de Charles Martel et la bataille de Poitiers : de l’histoire au mythe identitaire (2015).
Ce contenu va se diviser de la manière suivante.
Première partie : Introduction (17 minutes)
Une analyse des sources latines/chrétiennes disponibles sur la bataille de Poitiers + une lecture des ouvrages (Lorànt Deutsch + François-Xavier Fauvelle) qui posent problème.
Une introduction que je vous présente dans un format identique à celui de la chaîne.
Deuxième partie : Les entretiens (1h55) – chacune des interventions des 2 invités seront divisés en deux parties.
Mehdi Ghouirgate (1 heure) :
Partie 1/2 : La bataille de Poitiers : contexte global et originalités d’une attaque.
Partie 2/2 : Les sources arabes sur la conquête musulmane de la péninsule Ibérique et la bataille de Poitiers + le regard des historiens espagnols sur l’évènement.
Christophe Naudin (53 minutes) :
Partie 1/2 : Le souvenir de la bataille de Poitiers et de Charles Martel au moyen âge
Partie 2/2 : Le souvenir de la bataille de Poitiers et de Charles Martel de nos jours (XXe-XXIe siècle)
Ce second volet des « Suppléments », je l’ai voulu le plus complet possible.
Pour te permettre d’avoir une vision claire et profonde du sujet.
Pour aller plus loin que la majorité des personnes qui malheureusement se font berner par l’une des deux approches présentées auparavant.
Tu auras donc accès à plus de 2h de contenu.
C’est un travail considérable mais nécessaire !
En plus de ça, tu auras accès à un live organisé entre les deux invités.
En amont, tu pourras leur poser tes questions via la partie commentaire du contenu.
Et ils te répondront directement lors d’une vidéo, en direct, qui aura lieu dans quelques jours (date à déterminer. Je te dirai tout sur la chaîne YouTube).
Le but étant de t’offrir une proximité avec le monde de la recherche et te permettre d’échanger immédiatement avec des experts.
Et puis, ce qui m’apparaissait tout aussi essentiel, c’était que tu puisses regarder ce contenu à ton rythme.
C’est pour cela que ce contenu t’appartiendra à vie.
Ce qui signifie que tu peux très bien le visionner quand tu le désires : dès maintenant, dans 1 semaine, 1 mois… ou même 1 an.
Qu’importe.
En plus de ça, chaque intervention a été aménagée en séquences de 20/25 minutes maximum, pour te permettre d’organiser ton visionnage comme tu l’entends : en dévorant tout, d’un seul coup, ou au contraire une partie après l’autre, en sachant toujours où tu en es.
Après avoir assisté à cette présentation, tu pourras :
- Avoir une vision précise et complexe de la bataille de Poitiers.
- Comprendre comment l’historien travaille. Pourquoi il est primordial d’avoir une lecture fine et critique des sources, ainsi que de les replacer dans leur contexte de rédaction.
- Avoir une approche plus globale de la manière dont l’histoire est instrumentalisée.
- Développer ton esprit critique et discerner les biais idéologiques de certains discours (sur la bataille de Poitiers, mais aussi sur d’autres sujets).
On se retrouve donc directement dans ce contenu.
Si tu as des questions, pose-les directement sous la vidéo de présentation.
Et puis, si tu comptes visionner cette présentation, je t’invite à me laisser ton avis directement dans la partie commentaire de Podia.